Amnesty International Benin a rendu public ce 08 avril 2020, son rapport annuel rétrospective sur la situation des droits de l’homme. L’organisation internationale a noté plusieurs cas de violences des droits de l’homme en afrique et au Bénin. Pour les membres et responsables de cette institution, les autorités béninoises ont porté atteinte aux droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique dans le cadre des élections législatives. Les forces de sécurité ont fait usage d’une force excessive contre des personnes qui manifestaient, en toute impunité. Des manifestants et des passants ont été tués, et beaucoup d’autres ont été arrêtés et détenus de façon arbitraire.
Les partis d’opposition ont été écartés des élections législatives du 28 avril, ce qui a provoqué des tensions politiques et des manifestations dans tout le pays. Il leur a été interdit de participer au scrutin parce que la Commission électorale nationale autonome (CENA) avait invalidé, le 5 mars, leur candidature pour non-respect de dispositions du Code électoral de 2018. La décision de la CENA a été confirmée par la Cour constitutionnelle le 13 mars.
LIBERTÉ D’EXPRESSION ET DE RÉUNION
Les autorités locales ont interdit toutes les manifestations pendant la période préélectorale, notamment dans la ville de Parakou et dans les départements des Collines et du Zou.
ARRESTATIONS MASSIVES DE MANIFESTANT·E·S
De nombreux militant·e·s politiques, notamment des membres de partis d’opposition, ont été arrêtés dans le contexte des élections législatives. Des membres et des bénévoles d’Amnesty International se sont rassemblés à Cotonou afin de réclamer justice pour Prudence Amoussou, une mère de sept enfants qui a perdu la vie après avoir été blessée par balle lors des manifestations qui ont fait suite aux élections législatives controversées organisées au Bénin en mai 2019.
COUPURE D’INTERNET
Le jour de la tenue des élections législatives, l’accès à Internet a été coupé dans l’ensemble du pays.
ARRESTATIONS DE JOURNALISTES
Des journalistes ont été arrêtés et déclarés coupables d’infractions pénales pour avoir exercé leurs droits humains, notamment le droit à la liberté d’expression et d’information. Casimir Kpedjo, rédacteur en chef du quotidien Nouvelle Économie, a été arrêté le 18 avril à la suite d’une plainte déposée par l’agent judiciaire de l’État béninois parce qu’il avait déclaré sur Face book que la dette du pays avoisinait les 725 millions de dollars des Etats-Unis (environ 400 milliards de francs CFA) et que cela était contraire aux dispositions de la loi de finances pour 2019. Il a été inculpé de publication de « fausses informations » et libéré sous caution le 23 avril. Son procès, qui a été ajourné à de nombreuses reprises, devrait avoir lieu en 2020. Le 19 juin, la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) a fait savoir à la journaliste Emmanuelle Sodji, correspondante pour France 24, qu’il lui était interdit de travailler au Bénin. Cette décision est intervenue à la suite de la publication par la journaliste d’informations sur la situation en matière de sécurité dans le nord du pays. En novembre, elle n’avait toujours pas pu obtenir d’accréditation. En décembre, la station de radio Soleil FM, appartenant à l’opposant Sébastien Ajavon, a dû suspendre ses émissions, la HAAC ayant estimé qu’elle ne pouvait pas valider la demande de renouvellement de la licence de cette radio. Ignace Sossou, journaliste travaillant pour le site d’actualités Bénin Web TV, a fait l’objet de poursuites pour publication de fausses informations en raison de deux articles portant sur l’évasion fiscale au Bénin. Le 12 août, il a été condamné à un mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 500 000 francs CFA (environ 850 dollars des États-Unis) pour diffamation. Ses avocats ont fait appel de ce jugement. Le 24 décembre, un tribunal béninois a condamné Ignace Sossou à 18 mois d’emprisonnement et à 200 000 francs CFA d’amende pour « harcèlement par le biais de moyens de communication électroniques ». Le 18 décembre, il avait relayé sur Twitter des propos attribués au procureur de la République, qui était intervenu lors d’une conférence Vérifox organisée par l’Agence française de développement médias (CFI).
RECOURS EXCESSIF À LA FORCE
Les forces de sécurité ont utilisé des gaz lacrymogènes et des matraques pour disperser des manifestations pacifiques organisées par des partis d’opposition. L’armée a aussi été déployée sur certains sites des manifestations. Le 26 février, à Kilibo, dans la commune de Ouèssè, une personne est morte lors d’affrontements entre manifestant·e·s et membres des forces de sécurité. Entre avril et juin, au moins quatre personnes qui manifestaient ou se trouvaient aux abords de manifestations ont été tuées par balle. Kandissounon Djayane, un apprenti soudeur âgé de 19 ans, est mort le 2 mai à Kandi, une ville du nord du pays, un jour après avoir été blessé par balle à l’abdomen. Le même jour, Prudence Amoussou, qui était âgée de 37 ans et mère de sept enfants, a été tuée par balle lors d’une manifestation. Sa famille s’est vu interdire l’accès à sa dépouille. Trois mois plus tard, les autorités ont ordonné à ses proches de venir récupérer son corps, conservé à la morgue, et ont délivré un certificat de décès indiquant qu’elle était morte « des suites d’une maladie ».
IMPUNITÉ
Les violations des droits humains perpétrées par les forces de sécurité à l’encontre de manifestant·e·s avant et après les élections législatives sont restées impunies. Le 24 octobre, le juge chargé d’enquêter sur les homicides illégaux commis lors des manifestations a prononcé un non-lieu, au motif qu’il ne disposait pas d’éléments suffisants au sujet des auteurs présumés. Les familles des victimes n’ont pas été informées de cette décision. Le 31 octobre, l’Assemblée nationale a adopté une loi d’amnistie portant sur toutes les infractions pénales commises entre les mois de février et de juin qui étaient liées aux élections législatives. Cette loi, qui a été promulguée le 7 novembre, mettait à l’abri de poursuites judiciaires les membres des forces de sécurité soupçonnés d’atteintes aux droits fondamentaux, notamment en ce qui concerne les homicides commis sur la personne de manifestant·e·s