Marie-Odile HOUNTONDJI épouse COMLANVI, Présidente du Groupe d’Action pour la Justice et l’Égalité Sociale (GAJES)
« La lutte contre les violences faites aux femmes est freinée par la méconnaissance et l’insuffisance de l’application des textes »
Le Groupe d’Action pour la Justice et l’Égalité Sociale (GAJES) est une association féminine à but non lucratif créée le 13 janvier 1990 qui s’est donnée pour mission de promouvoir l’égalité entre homme et femme à tous les niveaux et donc d’œuvrer ainsi à la réduction des inégalités hommes/femmes aux plans social, économique, juridique, politique et culturel.
Dans cet entretien, sa présidente Marie Odile HOUNTONDJI épse COMLANVI parle des activités du GAJES au cours de la Campagne des seize jours d’activisme contre les Violences Basées sur le Genre (VBG), apprécie les efforts déployés par les pouvoirs publics pour freiner l’expansion des Violences basées sur le genre au Bénin. Elle parle des attentes du GAJES pour la réduction des VBG au Bénin.
*Droits Humains Infos : Quelle importance accorde votre organisation à la Campagne des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes ?
Marie-Odile HOUNTONDJI : La violence à l’égard des femmes et des filles constitue l’une des violations des droits humains pourtant garantis par l’Etat béninois. Aujourd’hui, ces violations sont les plus répandues, les plus persistantes et les plus dévastatrices. Elles demeurent également l’une des moins signalées en raison de l’impunité, du silence, de la stigmatisation et du sentiment de honte qui l’entourent.
Or, tout homme grand « H » mérite de vivre, de travailler dans un environnement sécurisé. Mais tel n’est pas le cas. Il n’y a pas de jour où il n’est signalé de cas de violences et surtout à l’endroit de la gente féminine. De nombreuses femmes, filles et pire des fillettes innocentes, tant au Bénin et ailleurs dans le monde, continuent chaque jour et chaque instant d’être victimes de violence.
Mais pourquoi ? Pourquoi particulièrement et plus souvent sommes-nous la cible de ces hommes ? Ces questions méritent des réflexions. Tout simplement en raison de notre sexe? Quel péché avons-nous commis d’être nées de sexe féminin ? Pourquoi les hommes s’acharnent contre nous? Et pourtant nous sommes leur mère, leur épouse, leur fille et que sais-je encore ?
Alors, la campagne des 16 jours est l’occasion pour le GAJES qui s’est donnée pour mission d’œuvrer à la réduction des inégalités hommes/femmes de s’unir aux autres organisations de la société civile pour réitérer sa volonté d’agir pour que cesse ces actes de violence dont sont victimes les femmes et les filles et également de renouveler son engagement à y mettre résolument fin car il s’agit comme vous le savez des questions de droits humains qui doivent rester inaliénables pour tous et pour toutes.
A l’occasion de l’édition 2020 de la Campagne, quelles sont les initiatives prises par votre organisation ?
Pour cette édition 2020, le GAJES a pris des initiatives grâce à l’appui financier du Fonds Africain pour le Développement de la Femme (AWDF en anglais) basé à Accra, que je remercie sincèrement au passage. Ainsi, tenant compte du contexte de la pandémique du COVID-19, le GAJES a fait l’option stratégique de prioriser les activités qui permettront de toucher un public large et varié tout en limitant autant que possible les risques de contamination et de propagation de la maladie.
Il est donc prévu de réaliser une vidéo de sensibilisation en ligne sur les violences basées sur le genre, la santé mentale et le bien-être des femmes. Vous convenez avec moi que les violences dans toutes leurs formes aussi bien physique, sexuelle, psychologique et économique ont des répercussions sur la santé mentale et le bien-être des femmes.
Il s’agira d’une vidéo de court-métrage (15 à 20 mn au plus ) qui mettra en évidence les impacts négatifs des violences basées sur le genre sur la santé mentale et le bien-être des femmes. Elle sera diffusée sur tous les réseaux sociaux. La vidéo renseignera sur les sanctions légales encourues par les auteurs ainsi que sur les services de santé mentale et de bien-être accessibles aux victimes de VBG. Le but visé est d’amener les femmes à surmonter la peur, la timidité et la honte afin de pouvoir agir avec courage et détermination pour reprendre le contrôle de leur corps, de leur sexualité et de leur vie, en recourant aux services de protection disponibles.
Il sera réalisé également une émission radiophonique interactive avec une rediffusion sur les VBG, la santé mentale et le bien-être des femmes. L’occasion sera saisie pour lancer un appel à une mobilisation nationale pour la prévention de la violence contre les femmes et les filles ainsi que pour promouvoir l’accès des femmes à des services de santé mentale et de bien-être accessibles et sensibles à leurs besoins.
Quelles sont vos attentes vis-à-vis des pouvoirs publics pour mettre fin au phénomène au Bénin ?
Une question très pertinente. Puisqu’ils sont les décideurs, nous attendons encore beaucoup d’eux malgré que des efforts louables et perceptibles soient déjà faits aussi bien par le gouvernement que par les acteurs de la société civile avec l’appui des partenaires techniques et financiers. Il faut bien le reconnaitre.
Mais le problème qui se pose encore est la méconnaissance et l’insuffisance de l’application des textes en vigueur notamment la loi n° 2011-26 du 09 janvier 2012 portant prévention et répression des Violences Faites aux Femmes en République du Bénin.
Je le dis, au regard des conclusions de l’étude réalisée tout récemment en juillet 2020 par le RIFONGA-Bénin dans le cadre du projet « Agir pour la réduction des VFF dans neuf (09) communes dans trois (03) départements du Bénin ». Il s’est révélé que l’application de la loi piétine du fait que les décrets d’application n’ont pas été pris. Seul l’arrêté relatif aux Centres Intégrés de Prise en Charge des victimes (CIPEC) a été pris et trois centres seulement ont été créés à Cotonou, Abomey et Parakou.
En l’absence des décrets d’application, les personnes à charge de juger les cas de violence y vont selon leur ressenti. Et c’est regrettable ! Vous êtes les spécialistes dans le domaine, jugez-en !
La prise des décrets d’application de la loi est indispensable en vue de favoriser une application plus stricte de cette dernière afin de garantir aux femmes, la possibilité d’engager des poursuites judiciaires en toute sécurité et aux juges, d’appliquer la loi avec équité.
Le Ministère en charge des Affaires Sociales a procédé tout récemment à la relecture des lois protégeant les femmes y compris la loi sur les VFF et les projets de décrets sont élaborés. C’est le moment ou plus jamais pour que toutes les organisations de la société civile s’unissent pour le plaidoyer à l’endroit de nos décideurs.
Votre conclusion
Toute personne a le droit d’être protégée et d’être à l’abri de la violence et des abus. Il faut une transformation des mentalités surtout des auteurs vis-à-vis de la femme, de la fille qui ne les considèrent pas comme des êtres humains au même titre.
Rendons hommage aux victimes de violences et à leurs familles et agissons en vue de mettre fin à la violence basée sur le genre.
Propos recueillis par Aclan OMIOTAN