Le conseil de l’ordre des avocats du Bénin a organisé un point de presse ce lundi 8 novembre 2021 à la maison de l’avocat au tribunal de Cotonou. L’objectif affiché est de rendre public un communiqué de désapprobation dans lequel le Conseil dénonce la détention arbitraire d’un avocat et annoncer une grève de 72 heures pour manifester leur indignation. Lire l’intégralité du communiqué
Communiqué de désapprobation
Le mercredi 29 septembre 2021, un avocat a été sollicité pour assister un client interpellé et conduit vers ses magasins au PK10, route de Porto Novo.
Il s’est rendu sur les lieux baux environs de 16heures 50 minutes où il a été interpellé par des individus ne portant aucun signe d’identification. Tandis que l’avocat avait décliné son identité et sa qualité, il a été cependant brutalisé, violenté, son téléphone et son porte-cache contenant sa carte professionnelle, arrachés, et lui même conduit manu militari au commissariat de police d’Ekpe.
C’est dans ces conditions que, le confrère a été gardé à vue dans les locaux du commissariat d’Ekpe de 16h 50 à 23 h 10min, sans qu’aucune charge ne lui ait notifiée, pas plus qu’il ne lui a été permis de contacter les responsables de l’odre, les membres de sa famille encore moins un avocat, en dépit de sa demande à jouir de ses droits.
Il aura fallu la descente du bâtonnier de l’ordre des avocats, alerté par un usager du commissariat susvisé, de même que plusieurs avocats informés et après de vives et longues protestations, pour que le commissaire se décide finalement à libérer l’avocat aux environs de 23h 10min.
Il faut rappeler qu’informé de la situation, le bâtonnier avait pris le soin de contacter les autorités judiciaires aux fins de les déterminer à mettre un terme à cet abus de droit.
A de rares occasions, dans l’exercice de la profession et à travers tel ou tels de ses membres, notre barreau a eu à subir parfois des atteintes à la liberté de la défense, mais jamais aucun avocat n’a été victime de violences et de voies de fait suivies d’enlèvement et de séquestration dans l’exercice de son métier par les forces de sécurité publique et pour cause: les avocats, auxiliaires de la justice, concourent par leur travail à la manifestation de la vérité et partant, à la bonne pratique judiciaire par leur assistance aux justiciables y compris à l’État et a ses démembrements.
Ce qui est arrivé à notre confrère nous paraît être le début du commencement de la légitimation des violences et des voies de fait contre l’avocat dans l’exercice de la profession et partant de la ruine à terme de celle-ci.
Cela va au delà de l’atteinte à la dignité et à l’honneur de la profession d’avocat dans notre pays. Et cet incident d’une exceptionnelle gravité survient hélas dans un contexte international où en cette même année 2021, pour la première fois, la République du Bénin vient d’être admise en siéger au conseil des nations unies pour les droits de l’homme.
Ces faits d’une extrême gravité, constituent une violation délibérée des normes tant nationales, communautaire qu’international, notamment l’article 7 de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples; l’article 5 du règlement Nº 05/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace du 25 septembre 2014; les articles :7, 8, 15, 17, 18, et 35 de la loi Nº 90-032 du 11 décembre 1990 portant constitution de la République du Bénin telle que modifiée par la loi 2019-40 du 31 Octobre 2019; le livre préliminaire ainsi que les dispositions des articles 78 et suivants du code de procédure pénale.
Aux termes des dispositions du livre préliminaire du CPP » Toute personne suspectée ou poursuivie (…) a le droit d’être informée des charges retenues contre elle »; article 78 al. 3, 4 et 5 du même code : » (…) Dès l’enquête préliminaire et dans tous les actes de procédure, le mis en cause peut se faire assister d’un avocat. Les magistrats et les fonctionnaires de police chargés de la mise en œuvre et de l’exercice de l’action publique doivent l’avertir de ce droit… »
Art 5 al. 1er du règlement 05/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA » les avocats assistent leur client dès leur interpellation, durant l’enquête préliminaire, dans les locaux de la police, de la gendarmerie ou devant le parquet ».
Article 6 du même règlement » les avocats, dans l’exercice de leur profession, bénéficient de l’immunité de parole et d’écrit. Ils ne peuvent être entendus, arrêtés où détenus sans ordre du procureur général près la cour d’appel ou du président de la chambre d’accusation, le bâtonnier préalablement consulté. »
Il en résulte de l’interprétation synergique de ces textes en vigueur dans notre République, sur les droits du confrère, d’abord citoyen puis avocat, ont été délibérément violés.
Eu égard à ce qui précède : L’Ordre des avocats dénonce ces agissements attentatoires à la dignité, l’honorabilité, et la liberté de l’avocat, un des principaux acteurs du service public de la justice.
En conséquence :
L’Odre des avocats du Bénin tient pour responsables les agents auteurs de telles violations ainsi que leurs commanditaires.
En toute état de cause, l’ordre des avocats du Bénin se réserve le droit d’engager telles poursuites judiciaires qu’il appartiendra afin de protéger ses membres dans l’exercice de leur profession et de sauvegarder l’État de droit.
A la suite de l’Assemblée générale extraordinaire tenue le samedi 6 novembre 2021, à la cour d’appel de Cotonou, le conseil de l’ordre s’est réuni à la maison de l’avocat et s’est penché sur cette situation.
Tirant les conséquences de ses multiples violations à l’exercice libre de leur profession ; et prenant en compte appréciation de cette situation par l’ensemble des confrères au cours de la dite assemblée générale extraordinaire, le conseil de l’ordre décide du Boycott par tous les avocats de toutes les audiences dur l’ensemble du territoire national a compter de ce jour lundi 08 Novembre eu mercredi 10 Novembre 2021 inclus
Fait à Cotonou, le 08 Novembre 2021
Le bâtonnier de l’ordre des avocats du Bénin