L’ONG Changement Social Bénin, le Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo et l’Organisation Mondiale Contre la Torture ont organisé du 07 au 11 février la deuxième rencontre régionale du groupe d’intervention judiciaire sos torture en Afrique. L’objet de cette rencontre est le renforcement du contentieux stratégique et du plaidoyer pour la lutte contre la torture en Afrique.
A la fin de cette rencontre, le responsable de la région d’Afrique pour l’Organisation Mondiale Contre la Torture, Isidore Collins Ngueuleu Djeuga, nous parle de l’organisation et de l’activité de Cotonou
DHI: Que peut-on savoir sur cette organisation?
Le groupe d’intervention judiciaire est un groupe d’avocats africains qui a été fondé en 2019 sur les questions de l’OMCTet du CACIT. Le CACIT est le collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo. Nous avions estimé a l’époque que la lutte contre la torture ne pouvait pas se limiter aux simples activités de plaidoyers et de dénonciations et qu’il fallait y associer des actions contentieuses.
Le but des actions contentieuses, c’est d’inciter les acteurs étatiques à se plier au respect de leur propre loi. Le groupe a été fondé a cette époque pour rassembler les avocats des afriques francophones, les plus en vue qui travaillent déjà sur ces questions, de synchroniser notre compréhension de la situation en matière de lutte contre la torture en Afrique francophone, de de l’absence ou de l’opportunité que pourraient présenter certains textes, pour aller ensuite devant les juridictions nationales et régionales et internationales afin de faire avancer la lutte sous le prisme judiciaire.
Quelles ont été les premières actions du groupe après sa mise en place?
La première rencontre s’est produite en 2019 lors de la création du groupe et visait à construire le groupe, définir ses objectifs, décliner les axes de travail ensemble et commencer le contentieux entre eux. Entre 2019 et 2025, le groupe a pu porter devant les juridictions régionales et internationales, une dizaine de cas d’actes de tortures dans près de cinq pays dont notamment le Togo le Cameroun, le Burundi,le Niger et la Gambie. Nous avions identifié des cas d’actes de tortures pendant les manifestations, les actes de tortures dans les lieux de privation de liberté, les actes de tortures sur des parcours migratoires, les actes de disparition forcés qui peuvent être qualifié d’actes de torture, l’usage abusif de la force par les forces de sécurité notamment la force l’étale dont le recours à l’arme.
Nous avons donc travailler conjointement pour partager nos connaissances, nos techniques, nos stratégies de contentieux afin de préparer ces dossiers qui ont été soumis devant différentes juridictions que j’ai évoqué en particulier la Cour de Justice de la CEDEAO et aussi le Comité des Nations Unies Contre la Torture.
Quelles ont été les issues de ces dossiers ?
Nous avons à ce jour quatre décisions victorieuses dont deux rendues contre le Burundi, deux rendues contre le Togo. Nous avons un dossier qui a été victorieux contre le Ghana et nous y étions comme ami de la Cour.
Parlez nous de cette rencontre rencontre qui vient de s’achever
La rencontre de Cotonou est la deuxième rencontre qui visait à identifier les nouvelles niches de contentieux, des nouvelles opportunités, des nouvelles problématiques qui se posent dans l’Afrique contemporaine. On a observé que la torture se produit très souvent dans les lieux de manipulation liée aux contestations électorales, liées aux changements de constitution, manifestation liées à la vie chère et donc nous avons voulu développer et partager et échanger sur les bonnes pratiques de comment identifier les bonnes pratiques des actes de tortures dans ce contexte. Comment Les documenter, sécuriser les preuves, les preuves qui soient imbattables et solliciter les instances juridictionnelles ou quasi juridictionnelles.
Nous avons identifié que la lutte contre le terrorisme est un espace où il y a d’énormes actes de tortures et des bavures des forces de sécurité. Il était important de se rassurer que même si la lutte contre le terrorisme est une lutte légitime, qu’elle n’entraîne pas avec elle les actes de tortures des personnes soupçonnés ou contre les communautés qu’on soupçonne souvent de complicité ou de complaisance envers les personnes traités se terroristes.
Il fallait identifier les bonnes pratiques, d’analyser comment il faut poser ce problème sans minimiser l’importance de la lutte contre le terrorisme. Comment ne pas delégitimer les efforts des Etats par notre contentieux. Notre contentieux s’appuie sur le principe de la prohibition absolue en toute circonstance de la torture. En réalité il n’y a pas d’excuse pour pratiquer la torture
Nous avons également été échangé sur le cas des enfants privés de liberté, les enfants en conflit avec la loi. Dans plusieurs pays d’Afrique, les jeunes encore mineurs sont accusés, poursuivies pour des actes de délinquance. C’est une des problématiques qui s’est avéré comme plus actuels que le groupe devrait traité. Nous avons discuté et échangé les bonnes pratiques pour voir comment on pouvait aborder la question de la protection des enfants dans le couloi de la justice.
Enfin, nous avons discuter d’un nouvel instrument que l’OMCT a mis en place depuis le 26 juin 2025. L’index mondiale de la torture. Cet outil pourra permettre d’analyser en temps réel dans quel pays dans le monde, on a le plus de risque d’être torturé. Sur la base des données collectées, on choisit des cas de torture représenté mais aussi le cadre juridique et on a la capacité de dire dans un pays où dans un autre, vous courrez un plus grand nombre de risques.
Quelle était la conclusion des travaux de Cotonou
Ce qu’on retient est que la lutte contre la torture est une lutte dynamique qui doit s’adapter en se collant au plus près aux mutations sociales. Des avocats doivent être capable d’adapter leurs lectures de la société par rapport à cela et de multiplier les stratégies efficaces pour répondre à ce besoin. Secondo, il y a une forme de similitude entre les différents pays d’Afrique francophone, les tendances sont les mêmes commes si les gouvernements agissaient un peu dans les manières ou ont été porté par le même vent. On voit que la lutte contre le terrorisme en Afrique garantit l’exceptionnalité de toutes les règles. Le troisième élément que nous avions par l’apprentissage collectif partager les bonnes pratiques, les connaissances du droit international et de la jurisprudence international afin de donner à chacun des outils les plus à jour dans sa dynamique de lutte contre la torture.
Quels sont vos souhaits à la fin de cette deuxième rencontre et votre mot de la fin pour conclure cet entretien
Nous estimons que cet atelier doit être suivi d’actions contentieuses devant les juridictions au niveau national, régional et international pour faire baisser au plus vite ces tendances grandissantes que nous avons constaté. Il faut désormais que le états d’Afrique Francophone sachent que réprimer brutalement et violemment une manifestation peut conduire à des plaintes déposées par les acteurs de la société civile afin que le juge puisse rappeler à l’acteur de sécurité ses obligations
Il faut que les africains développent la culture du litige et du contentieux c’est-à-dire que lorsque nous ne sommes pas d’accord ou satisfaits de la manière dont nous sommes conduits, nous puissions nous adresser à un juge qui lui même doit renforcer son indépendance pour pouvoir dire à l’ensemble des partis prenantes quelle est la responsabilité de chacun sur la base de la loi fondamentale que nous nous sommes tous dotées. Si nous n’arrivons pas à faire cela, nos sociétés seront toujours tendues et quand nos sociétés sont tendues les tensions poussent inéluctablement et on fait recours à la force parfois la force létale, la force brutale. L’apaisement de nos sociétés passe par l’attachement que nous avons au droit et à sa mise en œuvre, ce qui signifie que nous avons aussi des bons textes de loi qui sont conformes aux standards internationaux et c’est seulement de cette manière que nous serons capables de garantir le respect des droits de chacun et le respect de l’interdiction fondamentale que les gens soient exposés aux actes de tortures quelques fois si jamais ils étaient pris à défaut.
Propos recueillis par Gatien ELEGBEDE