A la suite de la prestation de serment du nouveau bureau, le nouveau président de la Commission Béninoise des Droits de l’Homme « CBDH », Abou-Bakari IMOROU parle de son mandat et de ses priorités
En tant que président de la Commission Béninoise des Droits de l’Homme, je ressens un profond sentiment de responsabilité et d’humilité. C’est pour moi, un honneur immense de diriger cette instance d’importance capitale dans la protection et la promotion des droits fondamentaux de tous les béninois. Mon engagement est total pour travailler sans relâche avec les autres commissaires et le personnel de l’institution dans le but d’assurer une bonne protection et une excellente progression des droits de l’homme au Bénin et à travers le monde. Il est évident que cette ambition ne peut se réaliser sans la collaboration avec tous acteurs directs et la société civile.
*Quelles sont vos priorités pour les prochains mois, notamment en ce qui concerne les actions concrètes à mener pour la protection et la promotion des droits de l’homme*
Le contexte national fait que nos priorités sont nombreuses. Sans les hiérarchiser il faut déjà retenir que La Commission que je dirige va poursuivre et affiner sa mission d’intervention pour faire cesser les violations des droits humains ainsi que sa mission d’assistance aux victimes de violations des droits humains conformément à l’article 5 de la loi 2024-22 du 26 juillet 2022.
Actuellement notre pays est en train d’amorcer la période préélectorale qui est une période sensible. Nous devons travailler à prévenir les violations des droits de l’homme qui pourraient survenir avant, pendant et après les prochaines élections générales. Il faut qu’on s’investisse à sensibiliser tous les acteurs pour que les élections se déroulent dans le respect des droits fondamentaux de tous les citoyens. Notre participation à la création d’un environnement électoral équitable et pacifique ne saurait être discutée.
Il est essentiel pour nous de centrer nos efforts sur la définition de mesures préventives par le biais de la sensibilisation et de l’éducation aux droits de l’homme pour créer dans notre pays un environnement davantage respectueux des droits humains. Nous avons également les menaces croissantes qui pèsent sur les droits de l’homme, telles que les attaques armées, les violences basées sur le genre, la pauvreté et le changement climatique etc. Pour faire face à tous ces défis, nous allons devoir travailler de façon coordonnée et concertée avec tous les acteurs, y compris le gouvernement, la société civile et les citoyens.
Il est souhaitable que la Commission étende sa représentation dans les douze (12) départements du Bénin afin de se rapprocher des populations pour une assistance rapide et efficiente. Pour le moment, nos Officiers des Droits de l’Homme ne sont présents que dans six (6) départements.
Nous devons également mettre en œuvre le Mécanisme National de Prévention de la Torture (MNP) qui repose sur la prévention de la torture et des mauvais traitements dans les lieux de privation de liberté. Dans ce cadre, la Commission va effectuer des visites régulières, inopinées ou notifiées dans les lieux de détention afin d’évaluer les conditions de détention et de formuler des recommandations pour améliorer la situation des personnes privées de liberté.
*Quels sont les autres axes d’intervention de la Commission Béninoise des Droits de l’Homme ?*
Nous avons les axes relatifs à la discrimination et à la violence basées sur le genre. Les femmes et les filles sont particulièrement vulnérables et souvent victimes de formes diverses de discrimination et de violence de tous genres, notamment dans les domaines de l’éducation, de la santé. Aussi note-t-on combien les droits de succession et de l’emploi sont violés tout comme on note de nombreux cas de violences domestiques, de mariages forcés et les mutilations génitales féminines, toutes choses qui constituent des problèmes majeurs au Bénin. Des efforts doivent être déployés pour prévenir et punir ces violences et pour soutenir les victimes.
Dans le paquet des droits sur lesquels nous sommes amenés à veiller, figure aussi les droits des enfants. Les sujets mineurs sont particulièrement vulnérables et victimes de violations des droits de l’homme. Il est indispensable de les protéger contre divers phénomènes comme le travail des enfants, les diverses formes de violence, l’exploitation sexuelle et d’autres formes d’abus.
Par ailleurs, nous avons le lot des discriminations fondées sur le handicap. Il apparait assez clairement que les personnes portant un handicap sont confrontées à des discriminations dans de nombreux domaines. Il s’en suit la nécessité de mettre en place des mesures pour garantir leur inclusion et leur pleine participation à la société.
En outre, l’accès à la justice et aux services essentiels constitue une préoccupation majeure pour certaines catégories de personnes. Il s’en suit que des efforts doivent être déployés pour rendre la justice plus accessible et équitable pour tous.
Aussi, la question du droit à la santé n’est pas à négliger. L’accès à des soins de santé de qualité est essentiel pour la protection des droits de l’homme. Il est important d’améliorer la qualité des services et de garantir leur accessibilité à tous, y compris dans les zones rurales.
Enfin on peut retenir le droit à l’éducation. L’éducation établit un cadre susceptible de soutenir le développement et de protection des droits de l’homme. Il s’agit donc de s’employer à garantir l’accès à une éducation de qualité pour tous les enfants, y compris ceux qui vivent dans des zones rurales ou dans des contextes d’insécurité.
La coopération avec les acteurs de la société civile sera aussi un sujet important pour nous.
*Qu’en est-il de l’indépendance et de la crédibilité de la Commission au regard de tous ces défis ?*
Selon la loi n° 2022-22 relative à la Commission Béninoise des Droits de l’Homme, la Commission n’est soumise qu’à la Constitution et à la loi. Elle n’est assujettie à aucune autorité publique et exerce ses fonctions sans aucune ingérence. L’indépendance de la Commission ne fait objet d’aucun débat car elle est garantie par la loi.
*Qui est Abou-Bakari IMOROU, le nouveau président de la Commission Béninoise des Droits de l’Homme ?*
Professeur titulaire des Universités et Enseignant-Chercheur à la Faculté des Sciences humaines et sociales de l’Université d’Abomey-Calavi, Abou-Bakari IMOROU est Coordonnateur de la formation doctorale de Sociologie Anthropologie à l’Ecole Doctorale Pluridisciplinaire Espace-Culture et Développement. Il s’agit donc d’un Socioanthropologue dont les travaux portent sur la santé, la sécurité et la protection des sujets vulnérables tels que les enfants. Le Professeur Abou-Bakari IMOROU est le Président du Comité Technique Spécialisé des Lettres et Sciences Humaines au CAMES. Son expertise dans les sciences sociales et sa connaissance des enjeux de santé publique, notamment en lien avec les droits humains, font de lui une figure respectée dans le monde académique et un choix stratégique pour la présidence de la CBDH.
Il compte plus de 60 articles scientifiques et une cinquantaine de communications scientifiques à des événements d’envergure internationale. L’accès aux services publics, les professionnels de la santé, les comportements à risque chez les sujets jeunes, les mobilités, les interactions judicaires, la production sociale de la radicalisation sont autant de sous-thématiques qu’il aborde dans ses travaux. Il a déjà mené des missions d’enseignement et de recherche dans les universités allemandes, canadiennes et ouest-africaines.
Comme encadreur de la recherche, il dirige, à l’université, le Laboratoire de recherches Socio-anthropologiques sur les Systèmes organisés et les Mobilités (LASMO). Il a dirigé plusieurs thèses de doctorat. Depuis 2009, le Pr IMOROU appuie plusieurs agences de développement à appréhender les facettes sociales du développement, se distinguant ainsi dans le domaine de la recherche sur la protection des mineurs et les mobilités des malades.
Il a reçu la distinction de Chevalier dans l’Ordre national du Mérite du Bénin.
DSI-FCDH/CBDH