Le Réseau pour l’édification de la Paix (Wanep-Bénin) n’est pas en marge de la mobilisation des organisations de la Société civile contre les violences faites aux femmes. Pour l’édition 2020 de la campagne contre les violences basées sur le genre, l’organisation a axé ses actions contre les violences silencieuses que constituent le harcèlement sexuel en milieu professionnel et les violences économiques, selon sa Coordonnatrice nationale, Maryse Ahanhanzo-Glèlè.
Droits Humains Infos : Quelle importance accorde votre organisation à la Campagne des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes ? Pourquoi ?
Maryse Ahanhanzo Glèlè : Les violences faites aux femmes constituent l’une des violations des droits humains les plus répandues, les plus résistantes et les plus dévastatrices. Elles sont un obstacle à la réalisation de l’égalité, au développement humain durable, à la paix et à l’autonomisation des femmes. Une femme non autonome participe peu ou pas du tout aux affaires de sa localité, région ou pays. Or, à WANEP Bénin, l’un de nos objectifs est la pleine participation et implication des femmes dans les actions de prévention des conflits, de consolidation de la paix et de développement.
La question est si importante que les Nations Unies ont décidé de lui consacrer, non pas uniquement une journée, celle du 25 novembre, mais 16 jours pour s’activer contre ce fléau. C’est dire que les violences faites aux femmes et aux filles sont une menace à la paix et la sécurité mondiales.
Notre pays, le Bénin n’est pas du reste en ce qui concerne ce fléau. En effet, selon les données de l’Enquête Démographique et de santé, 2017-2018, près de trois femmes de 15-49 ans sur dix (27%) ont subi, au Bénin, des violences physiques depuis l’âge de 15 ans : une femme sur dix (10%) a subi des actes de violence sexuelle à un moment quelconque de sa vie ; 20% de femmes ont subi des violences physiques seulement ; 3% des violences sexuelles seulement ; 7% ont subi des actes de violence physique et sexuelle et 31% des actes de violence physique ou sexuelle ; 4% des femmes enceintes au moment de l’étude ont déclaré avoir subi des actes de violence physique pendant une grossesse. Etc. Ces chiffres interpellent et une organisation œuvrant pour la pleine participation des femmes et pour la paix ne peut rester sourde à cette interpellation.
Voilà pourquoi WANEP Bénin accorde de l’importance aux 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes et aux filles. Il s’agit d’une opportunité, offerte chaque année, aux dirigeants, aux organisations non gouvenementales et aux partenaires techniques et financiers, d’œuvrer à la réduction de ces tendances et à l’éradication de ces violences dans nos sociétés pour plus d’inclusivité des femmes et plus d’égalité.
1) A l’occasion de l’édition 2020 de la Campagne, quelles sont les initiatives prises par votre organisation ?
Pour cette édition, le réseau a décidé de sensibiliser sur 2 types de violences silencieuses que subissent les femmes : le harcèlement sexuel en milieu professionnel et les violences économiques.
Ainsi, le 25 novembre 2020, Journée internationale pur l’élimination de la violence à l’égard de la femme et journée marquant le début de la campagne des 16 jours, il a été organisé un forum multi-acteurs sur le thème « Protéger la dignité et l’intégrité de tou.t.e.s : Bannir le harcèlement sexuel du milieu professionnel ». Ce forum a permis de recueillir des acteurs présents des pistes pour une prévention et une lutte plus efficaces contre ce fléau. Il a également permis de lancer officiellement un recueil de témoignages (disponible sur www.wanepbenin.org) et un slam vidéo (disponible sur https://www.youtube.com/channel/UCxNMLJn_HL9sZ3ddHEB_tdg) qui appelle à dénoncer le harcèlement sexuel en milieu de travail.
La deuxième activité est relative à la sensibilisation sur les violences économiques, une forme de violence qui maintient la victime dans une incapacité financière nuisible à son autonomisation. A cet effet, WANEP Bénin est allé vers les femmes et hommes des groupements d’activités génératrices de revenus (GAGR) de Klouékanmè, dans le département du Couffo et de Ouèdèmè, dans le département du Mono. A chaque session, l’objectif a été de sensibiliser sur les violences basées sur le genre avec un focus sur la violence économique et d’informer sur les voies de recours légaux existants et les sanctions qu’encourent les auteurs. Les sessions se sont déroulées le 28 novembre 2020 à Klouékanmè et le 4 décembre 2020 à Ouèdèmè.
3- Quelles sont vos attentes vis-à-vis des pouvoirs publics pour mettre fin au phénomène au Bénin ?
Le Bénin a ratifié beaucoup d’instruments internationaux protégeant la femme. Le pays dispose aussi de beaucoup de lois nationales dans ce sens et il est en cours, actuellement, au niveau du Ministère des Affaires sociales et de la Microfinance, un processus de relecture de ces textes pour une meilleure protection contre les violences basées sur le genre. Cependant, il est encore loisible de constater que les lois ne sont point connues par les populations. Par ailleurs, le parent pauvre du mécanisme reste l’application effective de ces lois et la vulgarisation des cas sanctionnés. De fait, la première attente vis-à-vis des pouvoirs publics est la poursuite inlassable de la vulgarisation des lois en vigueur afin que tout individu soit mis au courant des infractions et des peines encourues. Les radios communautaires ainsi que les médias sociaux peuvent être mis à contribution. Ensuite, que la justice applique convenablement les dispositions à l’endroit de tout contrevenant aux dispositions légales prescrites. Enfin que les cas de sanctionnés par la justice soient, aussi, vulgarisés afin de montrer aux populations que l’impunité n’est plus de mise, au Bénin, en ce qui concerne les violences basées sur le genre.
A ce prix, nous pouvons espérer une réduction, voire une éradication, des violences à l’égard de la femme et de la fille qui méritent de vivre dans un environnement sécurisé afin de contribuer à la paix et au développement de leurs localités, région et pays.
Réalisé par Aclan OMIOTAN